Nordkapp:

Je me suis octroyé une grasse matinée, il est 8h00 ce matin lorsque je démarre la moto. J'en avais besoin pour faire descendre la pression de ces quelques jours et puis je ne sais pas pourquoi je ne suis pas pressé de prendre la route. Il me reste 240 km et ça je le sais car il y a 3 jours que je passe à pied devant le panneau. Il y a du brouillard, j'espère que celui-ci va se lever.


Je ne sais pas si c'est la peur de tomber une nouvelle fois en panne si près du but ou le fait de réaliser enfin mon rêve, toujours est-il que je n'ose même pas atteindre la vitesse autorisée. Tous mes sens sont en alerte, le soleil est apparu, je sais que dans 4h00 au plus tard, je couperai le moteur en me disant "j'y suis". Je ralentis encore l'allure, j'essaie de mémoriser les paysages, je m'imprègne des odeurs, je m'impose de nombreux arrêts photos. En sport, on appellerai sûrement ça "la peur de gagner".


Je suis comme un enfant devant son cadeau de Noël, je pense connaitre le contenu, alors je tire doucement sur le ruban, essaie de défaire le nœud plutôt que de le couper aux ciseaux, je décolle méthodiquement les morceaux de scotch et ouvre le papier cadeau en regardant un peu partout autour afin que mes yeux croisent  l'objet du désir le plus tard possible.


La nature est toujours aussi belle et malgré le fait de croiser un peu plus de motos, de camping-cars et quelques bus, j'ai encore cette impression de défricher une terre nouvelle.


Pour accéder au Cap Nord, le passage par un tunnel est obligatoire. Celui-ci s'étend sur près de 7000 m et descend à environ 200 m en dessous du niveau de la mer. L'humidité est très présente et les phares ont du mal a percer la pénombre. Ce tunnel a été payant jusqu'en juillet 2012 (bonne nouvelle car pour une moto, il fallait débourser environ 9 Euros à l'aller et idem pour le retour)

La route grimpe et me propose de nouveaux arrêts photos. Au lointain j'aperçois, le parking où de nombreux véhicules sont stationnés. Je stoppe la moto et prends une grande inspiration, j'y suis presque. Première, deuxième, troisième, une jeune fille à l'entrée du parking me demande ma nationalité et me tend une plaquette en français qui m'indique comment dépenser de l'argent sur le site et prélève la modique somme de 19 Euros. C'est le prix à payer pour avoir le droit de stationner sa moto sur un sol rocailleux et pour accéder au fameux globe terrestre. Il y a de nombreuses motos, des italiens, des finlandais, des allemands, des polonais et un français (votre serviteur), des bus et camping-cars.


Je pars à la découverte de l'endroit, une grande joie et en même temps un sentiment de malaise m'envahissent. 


Une grande joie car j'ai atteint mon but et j'ai vaincu quelques craintes. Le malaise vient du fait que le Cap Nord en lui-même n'est qu'un lieu touristique, au milieu de nul part règne la société de consommation. J'ai tellement eu l'impression d'être seul au monde parfois, qu’égoïstement  j'aurais aimé ne trouver qu'un plateau désert orné de ce globe terrestre.


Pour autant, je me dois de poser pour la postérité. J'aperçois 2 italiens que j'avais déjà salués quelques kilomètres auparavant et nous faisons un échange d'appareil photos afin de nous graver mutuellement sur la pellicule (enfin sur la carte mémoire). L'un des 2 qui parle très bien français m'explique qu'en Italie pour être considéré comme un vrai motard, le Cap Nord est une étape incontournable. Quelques prises de vues plus tard, je décide de quitter cet endroit et de profiter encore de la nature environnante.